Le Canal de Nantes à Brest - L'Ecluse

Principe de l’écluse

L’écluse est une construction qui va aider la péniche à franchir l’obstacle du barrage. Une écluse est un sas, fermé côté amont et côté aval par de solides portes de métal et de chêne capable de résister à la pression des centaines de tonnes d’eau. Chacune des portes est constituée de deux battants, dont le gond est pris dans la maçonnerie des murs.

Ces deux battants, lorsqu’ils sont fermés, forment un V, dont la pointe est dirigée vers le courant, opposant ainsi une voûte à la poussée des eaux.

Dans le bas des portes se trouve une trappe. La trappe de la porte amont permet à l’eau d’entrer dans le sas (l’eau venant de la partie haute du canal), la trappe de la porte aval permet à l’eau de quitter le sas qui se vide alors dans la partie basse du canal.

A la manière d’une marche d’escalier, une écluse permet de relier deux biefs de niveaux différents (amont et aval)

Construction de l’écluse

Il faut se souvenir que la plus grande partie du canal de Nantes à Brest utilise le cours de rivières antérieures. Or le lit d’une rivière a pour particularité d’être constitué, en règle générale, d’alluvions à la consistance douteuse et à la faible résistance. Le poids d’une écluse avoisinant les 6.000 tonnes, il faut que les ingénieurs conçoivent des fondations extrêmement solides, qui supporteront le poids de l’ouvrage sans déformation ni fissure aucune.

Le premier soin des ingénieurs était d’assécher l’emplacement du chantier de la future écluse. Facile à dire, car on n’empêche pas une rivière de couler… Il fallait donc, avant de commencer la construction d’une écluse, détourner le lit de la rivière et poser des batardeaux étanches autour du chantier. On enfonçait dans le sol, tout autour de la partie à assécher, un barrage de pieux serrés les uns contre les autres. Puis on élevait un deuxième barrage identique à quelques décimètres du premier, et on comblait l’intervalle entre les deux barrages avec de la glaise et des mottes de terre.

Ceci n’empêchait d’ailleurs pas toutes les infiltrations, et il était nécessaire de pomper sans cesse, à la main, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, tout le temps que durait l’élévation de la maçonnerie et la prise du ciment. Il est arrivé souvent, au long des trente années qu’a duré la construction du canal, que des crues soudaines emportent tout le travail péniblement réalisé.

Lorsque le chantier était à peu près asséché, il fallait creuser aussi profond que possible, afin de trouver un sol stable et dur. Lorsque cette condition n’était pas remplie, on enfonçait alors dans le sol trop peu consistant des pieux de bois, appelés « pilots ». Certaines essences de bois, notamment le châtaignier et l’acacia, sont imputrescibles lorsqu’elles demeurent dans un sol humide (Amsterdam et Venise sont construites de cette façon). Puis on coulait la fondation, en pierres et ciment. Sur cette fondation était assemblé le fond de l’écluse, qu’on appelle radier, en blocs de granit taillé. Ensuite étaient élevés les murs.

L’écluse est limitée par deux murs: le mur qui borde le halage s’appelle le bajoyer de rive, et le mur qui borde la rivière (quand il y a rivière) s’appelle le bajoyer de large. Ces murs font plusieurs mètres d’épaisseur. Le parement est également en blocs de granit taillé, alors que le cour de la maçonnerie est réalisé en pierre de tout-venant collées au ciment.

 

Observez bien l’assemblage des pierres sur toutes les faces de l’ouvrages d’art : murs, quais, mdiers, déversoirs. Vous constaterez que chaque pierre est encastrée dans ses voisines, par tenons et mortaises, l’ensemble formant voûte lorsqu’il ya une résistance à opposer à la force de l’eau. Le poids de certaines pierres est énorme: celle où est ancré le pivot supérieur des portes dépasse la tonne. Et pourtant, en dépit des moyens de levage primitifs dont on disposait au siècle dernier, moyens qui n’avaient pas évolué depuis le Moyen-Âge, chaque pierre mise en place scrupuleusement, sans avoir jamais bougé jusqu’à aujourd’hui.

L’ingénieur De Silguy a fait des recherches afin de déterminer le meilleur ciment à employer. La plus grande partie des ouvrages étant immergée en permanence, il convenait en effet que le liant ne soit pas dilué, ni attaqué par l’élément liquide. De la robustesse de ce ciment dépendait la solidité et la rigidité de toute la construction. Voici la formule-miracle du canal: on mélangeait 1 mètre cube de sable, 0,20 mètre cube de cendre de tourbe, et 0,6 mètre cube de chaux éteinte.

En règle générale, pour diminuer les coûts de construction et standardiser les chantiers, toutes les écluses d’un canal ont un gabarit équivalent. Sur le canal de Nantes à Brest, la longueur d’une écluse est de 25,70 mètres et sa largeur de 4,70 mètres. Ces dimensions sont inférieures au fameux « gabarit Freycinet », élaboré en 1879, qui devait alors régenter tous les canaux français (sas de 38,50 m par 5,20 m). Mais à l’époque où ce nouveau gabarit est entré en vigueur, il était évident pour tout le monde que le canal de Nantes à Brest n’aurait jamais le succès commercial escompté. C’est pourquoi, alors que les écluses de tous les grands canaux du nord et de l’est étaient adaptées aux nouvelles dimensions, notre canal breton a gardé ses petites écluses de granit, conservant par là même son charme désuet, témoin éternel d’une industrie disparue.

Comme il n’est pas possible de creuser des sas d’écluses trop profonds pour des raisons de résistance mécanique des maçonneries, la hauteur de chaque « marche » des barrages est d’environ 2,40 mètres. La profondeur d’une écluse avoisine donc les 4 mètres, car une fois que l’écluse est « vide », quand son niveau est le même que la rivière aval, elle doit contenir encore suffisamment d’eau pour que la péniche y flotte.

Fonctionnement d’une l’écluse

Revenons sur la technique du franchissement d’une écluse. Une péniche se présente, venant de l’amont du canal (Rappel pour les étourdis: l’amont est la partie de la rivière qui vient de la montagne, et l’aval la partie qui va vers la vallée). Cette péniche souhaite donc descendre de trois mètres dans son grand escalier. Supposons que le sas soit vide d’eau, car une autre péniche est descendue juste auparavant.

1) L’éclusier ferme la porte aval, puis ouvre la trappe de la porte amont. L’écluse se remplit d’eau en quelques minutes.

2) Lorsque l’écluse est pleine, c’est-à-dire lorsque le niveau dans l’écluse est le même que le niveau du canal amont, l’éclusier ouvre la porte amont. La péniche, entre alors dans le sas

3) Quand la péniche est entrée, l’éclusier ferme la porte amont et ferme la trappe.

4) L’éclusier va vers la porte aval et ouvre la trappe. Le sas se vide alors de toute son eau. Bientôt, le niveau dans l’écluse est le même que le niveau du canal aval.

5) L’éclusier ouvre la porte aval et la péniche continue son chemin.

Pour faire monter une péniche, l’éclusier effectuera les opérations exactement inverses.

Les manouvres sont faites à la main sur la plupart des écluses, à l’aide de manivelles. Cependant, quelques écluses, sur les sections orientales du canal, sont équipées de moteurs électriques, et les éclusiers effectuent désormais leur tâche avec un boîtier de commande.

 Bateau montant

 Bateau descendant