Au printemps 1995, Ferdinand, petit âne chargé de bagages, marchait à mes
côtés sur le chemin de halage du canal de Nantes à Brest. Le temps était
exceptionnellement beau, la température douce, et la nature en fête.
Découvrir ce canal était un vieux rêve, mais que savais-je de la voie d'eau
lorsque je suis parti... rien, ou si peu de choses...
Existait-elle encore, cette voie creusée par les hommes voici 180 ans ?
Peut-être qu'après la disparition de la batellerie, le canal s'était lentement
embourbé et qu'il ne restait qu'un filet d'eau marécageux... Peut-être que les
biefs étaient devenus des prairies bardées de barbelés... Peut-être que le
chemin de halage, à la ressemblance des voies ferrées mortes, était envahi d'une
montagne de ronces...
Puis, au fur et à mesure que je cheminais vers Brest, je me rendais compte
que le canal était en bien meilleur état que je ne le pensais. C'est vrai, les
péniches lourdement chargées n'y laissaient plus leur sillage caresser les
rives. Et les écluses de granit, là-bas, au-delà de Pontivy, voyaient les aulnes
éclater leur appareillage de vieilles pierres.
En beaucoup d'endroits, le canal était oublié, délaissé des hommes, mais
toujours bien vivant, car on ne peut tuer l'eau qui court. Et les arbres
centenaires, plantés sur le halage par les forçats du bagne de Brest, veillaient
sur sa tranquillité, partageant leur solitude avec les rares pêcheurs.
Avais-je éprouvé de la lassitude à contempler toujours la même eau ? Comment
être las devant le grand livre de la nature... Le canal n'est artificiel que sur
20% de sa longueur. Les 80% restant sont des rivières canalisées, domestiquées
juste ce qu'il faut pour porter les bateaux, creusant leur lit parmi les plus
belles vallées de la Bretagne, traversant des villages où reposent les massives
maisons de granit, découvrant des forteresses médiévales au détour d'une boucle,
effleurant de pacifiques abbayes, escaladant les collines pour monter les
bateaux vers le ciel.
Il existait ainsi, en plein 20ème siècle, un chemin, un vrai chemin long de
360 kilomètres, à l'abri des voitures, baigné de silence et d'eau. Et personne
ne le savait... Voilà pourquoi si peu de randonneurs goûtaient ce printemps le
même bonheur que moi...Alors, je me suis rendu compte qu'il n'existait aucun
ouvrage décrivant le canal en tant qu'itinéraire de randonnée. Fort de cette
certitude, je me suis mis au travail, assisté par tous les amoureux du chemin
d'eau, et vous tenez entre vos mains le résultat d'un hiver de labeur,
entièrement remis à jour au début de 1998.
A votre tour, vous marcherez sur les pas des milliers de bagnards, de
tâcherons, de charretiers et d'artisans qui ont creusé cette vallée d'eau au
coeur de la Bretagne. Vous resterez époustouflé devant les prouesses techniques
imaginées par les ingénieurs pour que fonctionne cette uvre titanesque. Vous
comprendrez, pas après pas, quelle était la vie des bateliers qui ont foulé un
siècle durant les berges du canal, tenant par la bride leur courageux compagnon
à quatre pattes halant la lourde péniche.
Vous allez admirer de merveilleux paysages, des cathédrales de verdure et
leurs chorales d'oiseaux, que la voie d'eau a su embellir de son miroir. Vous
allez pénétrer dans une région chargée d'Histoire, à l'identité très forte, un
royaume qui s'est uni à la France il y a cinq siècles seulement, mais qui a
gardé farouchement ses traditions celtiques et millénaires...
Eh puis, lorsque vous déboucherez dans la rade de Brest, après deux semaines
de marche, ou quelques jours de bicyclette, vous aurez très fort la nostalgie de
ces moments hors du temps. Le canal est notre mémoire vivante, le souvenir d'une
époque toute proche où rien n'était facile, mais où tout se faisait quand même,
au rythme des pas et des chevaux.
Ironie de l'Histoire et revanche de cette antique voie d'eau : le chemin de
fer, qui a tué le canal car il allait plus vite, et plus loin, a totalement
disparu de la Bretagne intérieure, balayé par l'automobile, plus jeune et plus
rapide que lui. Quelques tranchées dans les collines, des bâtiments de gare
décrépis, mais plus un seul rail.
Le canal, lui, vieux sage hiératique, a seulement pris quelques rides à la
surface de ses étangs. A l'abri de ses chênes et de ses hêtres, il attend son
heure, car il a tout son temps.
Venez partager avec lui quelques jours de cette éternité.
Pourquoi randonner
au long du canal ?
Parcourir le canal de Nantes à Brest n'a rien à voir avec l'escalade d'un
8.000 mètres dans l'Himalaya, ou la montée du Col d'Aspin un 14 juillet par
grand soleil... C'est le parcours idéal pour un randonneur au long cours
débutant. En effet, beaucoup de gens rêvent de partir pèleriner, à pied ou à
bicyclette, plusieurs jours ou plusieurs semaines de suite, mais ne le font pas
pour de multiples raisons.
Pas de cartes
Il y a d'abord le prétexte cartographique. Comme la lecture d'une carte de
l'Institut Géographique National ne fait pas partie du cursus scolaire et
universitaire, beaucoup de gens s'imaginent qu'ils vont s'engluer dans un
marais, mourir de faim au fond d'une forêt, ou se faire étriper par un taureau
sitôt qu'ils vont quitter la sécurité du ruban d'asphalte de la route nationale.
Il est exact que déchiffrer une carte est quelquefois un exercice difficile,
surtout dans les zones de relief, et les premiers créateurs de sentiers de
randonnée l'ont bien compris, qui ont inventé de petites marques à la peinture
sur les arbres ou les pierres du chemin. Mais il est fréquent que ce balisage,
réalisé par des bénévoles, laisse à désirer. Combien de randonneurs se sont
fourvoyés dans des cul-de-sac à cause de la marque disparue dans un carrefour
forestier... Qu'on le veuille ou non, savoir lire une carte reste un
apprentissage indispensable pour une randonnée sans souci. Pour ceux qui
souhaitent se lancer dans l'aventure sans passer par cette phase, le parcours
d'un chemin de halage est une solution élégante. En effet, à moins d'avoir
abondamment abusé de la dive bouteille, il est facile de suivre la voie d'eau
d'écluse en écluse, du coeur de Nantes au débouché dans la rade de Brest...
Pas (trop) de fatigue
La seconde raison pour laquelle beaucoup de gens n'osent pas prendre le
chemin sur une longue période est la santé. Notre civilisation hyper-protégée ne
conçoit pas qu'on puisse marcher longtemps. Or nos anciens marchaient bien plus
que nous, n'ayant pas d'autre choix pour se déplacer. Marcher est la chose la
plus naturelle au monde, qu'apprennent instinctivement les bébés dès que leurs
muscles se sont affermis. C'est ne pas marcher qui est anormal, et qui est la
cause de bien des maux de notre temps. La modernité nous a guéris de nombreuses
maladies qui emplissaient autrefois les cimetières, mais elle en a laissé se
développer de nouvelles, générées par l'inactivité. En ne marchant plus, nous
fragilisons notre corps année après année.
A leur grande surprise, la plupart des gens qui partent randonner découvrent
rapidement qu'ils sont capables d'effectuer entre 25 et 35 kilomètres par jour
sans ressentir la moindre trace d'épuisement. Tout juste une bonne et saine
fatigue à la fin de la journée, génératrice d'un robuste appétit et d'une nuit
réparatrice. L'épreuve la plus difficile lorsqu'on décide de randonner au long
cours pour la première fois reste le relief. Lorsqu'on n'a pas marché depuis
longtemps nous guettent alors de sournoises tendinites et autres bobos des
membres inférieurs, sans oublier le risque de glissade sur un méchant rocher.
Parcourir un chemin de halage est une première étape rassurante dans son
apprentissage de la randonnée, et permet de se dire après deux semaines : - Je
l'ai fait, je suis capable de marcher quinze jours.
En effet, la plupart des canaux sont construits à plat, ce qui, chacun en
conviendra, est plus pratique pour la circulation des péniches.
Deux semaines de marche
Il faut deux semaines pour effectuer les 360 kilomètres du canal, si on
marche 25 kilomètres chaque jour. Il ne faudra que douze jours si on crapahute
ses trente bornes. Ceci permet d'arriver à Nantes un samedi matin, de randonner
jusqu'au vendredi soir de la deuxième semaine, et de reprendre le train pour
revenir chez soi le samedi ou le dimanche. Mais la randonnée est avant tout une
activité de liberté. Certains ne sont épanouis que dans la performance physique,
d'autres sont repus de nature après quinze kilomètres. C'est à chacun de
décider, en fonction de sa forme physique, de la météorologie, des hébergements,
l'avancée du voyage. Pour cette raison, le guide donnera seulement la liste des
services et commerces, les hébergements et le ravitaillement, ainsi que les
distances, sans jamais parler d'étapes.
L'itinéraire est décrit de Nantes vers Brest pour une raison très simple,
c'est que le canal porte pour nom "De Nantes à Brest", qu'il y a bien une cause
à cette appellation, et qu'il existe toujours une certaine mystique à cette
course vers l'occident, le Finistère, la fin des terres... Mais rien n'interdit
de le parcourir dans l'autre sens, sauf qu'on aura le soleil dans l'oeil tous
les matins... Mais que ne ferait-on pas pour siroter un Muscadet bien gagné,
après tant de sueur, dans un bistroquet nantais...
Pas de goudron, pas de voitures
Le chemin de halage qui longe la voie d'eau est carrossable tout au long du
trajet. Sa largeur est d'environ deux mètres, et il est presque partout revêtu
de gravillons ou de terre. Même si certaines sections du canal ont été
déclassées par les Ponts et Chaussées, le canal, et le chemin qui le borde, sont
toujours restés dans le domaine public. Ils sont régulièrement entretenus, et
vous n'y rencontrerez ni fondrière, ni difficulté technique particulière.
Comme ce chemin est interdit à toute circulation motorisée, et bardé de
solides chaînes tout au long du parcours, il est particulièrement adapté à la
randonnée à bicyclette. Les cyclistes rêveurs peuvent ainsi faire des écarts de
conduite sans risquer la collision, et les parents emmener leur progéniture sans
danger. Eh oui... Il existe une piste cyclable de 360 kilomètres, sur laquelle
vos petits sportifs pourront pédaler sans souci... Seuls les très distraits
feront un "plouf" de temps à autre parmi les grenouilles du canal. Mais ces
incidents seront sans danger, car les piranhas ont tous été exterminés par les
crocodiles...
Un détail que les marcheurs apprécieront : sur les 360 kilomètres, un tout
petit nombre est goudronné, essentiellement dans le Finistère. Et encore est-ce
un goudronnage à demi, puisque seules les bandes de roulement sont asphaltées,
et qu'il y a toujours une trace d'herbe pour poser ses godasses. C'est ainsi que
le chemin de halage du canal de Nantes à Brest est sans doute le seul sentier de
randonnée revêtu de terre sur 90% de sa longueur...
Le propre d'un chemin de halage, c'est qu'on y halait les péniches, à épaule
d'hommes quelquefois, mais le plus souvent à l'aide de chevaux. Pour que cette
servitude soit respectée, pour que les chevaux puissent continuer à tirer, il
faut qu'il y ait continuité du tracé. C'est ainsi que le chemin de halage se
poursuit même au coeur des cités. L'exemple typique est la ville de Redon, dont
la traversée s'effectue en cinq minutes à peine sur quelques dizaines de mètres
de macadam...
Hébergement...
Le guide vous donne toutes les sortes d'hébergements possibles, situés soit
au bord du canal, soit dans l'arrière-pays, à une distance maximale de dix
kilomètres de la voie d'eau. Une telle distance ne signifie naturellement rien
pour un marcheur, qui ne fera certainement pas dix kilomètres de plus pour
trouver un hôtel s'il estime être arrivé au terme de son étape du jour. Sans
compter qu'il lui faudrait les faire en sens inverse le lendemain matin pour
retrouver son chemin de halage préféré.
Par contre, le cycliste pourra facilement dévier de sa route et pédaler un
quart d'heure jusqu'au prochain village.
Une règle impérative : veillez toujours à réserver votre hébergement par un
appel téléphonique, surtout si vous êtes plusieurs, et surtout en saison, pour
éviter déconvenues, disputes et scènes de ménage qui font toujours peur aux
poissons et agacent les oiseaux. En arrivant sans prévenir, si le site choisi
est déjà complet, et si vous paraissez visiblement fatigués, vous mettrez en
difficulté votre hôte supposé, qui essaiera sans doute de vous aider à trouver
un autre gîte, mais au détriment du temps qu'il devrait consacrer aux
pensionnaires qui ont eu, eux, la prudence de réserver...
Gîte d'étape
C'est l'hébergement idéal du randonneur. Bon marché (moyenne de 40 F par
nuitée), il comporte tout ce dont le voyageur a besoin après une journée de
marche, de pédalage ou de pagayage : douche, lit, coin-cuisine. La plupart des
gîtes fournissant des couvertures, un sac à viande suffira dans vos bagages pour
dormir au propre si vous choisissez ce type d'hébergement.
Ces gîtes sont des équipements collectifs, construits, entretenus par des
personnes privées, des municipalités ou associations, et mis à la disposition
des randonneurs. C'est-à-dire que vous les trouverez dans l'état où vos
prédécesseurs les ont laissés, et ceux qui vous suivront les trouveront dans
l'état où VOUS les avez laissés. Veillez donc à effectuer lors de votre départ
un minimum de corvée de propreté.
Revers de la médaille : la plupart du temps, les lits sont groupés en
dortoirs, et vous n'y aurez pas, surtout pendant les mois d'été, la tranquillité
et l'intimité que vous souhaitez peut-être. Certains gîtes possèdent des
chambres individuelles pour jeunes mariés, mais cet état de fait constitue
l'exception.
Attention : il n'y a pas toujours un gardien dans le gîte, et il est
recommandé de se présenter avant une certaine heure le soir afin d'obtenir une
place. Cette précision est donnée sur le présent guide s'il y a lieu. De la même
façon, si le gîte est municipal, il est impératif d'avoir prévenu de son
arrivée, afin de savoir où aller chercher la clé s'il n'y a pas de gardien à
demeure.La grande majorité des gîtes d'étape disposent d'une cuisine où le
randonneur peut préparer son repas. Lorsque ce n'est pas le cas, cette précision
est donnée dans le guide. Il arrive même que certains gîtes préparent des repas
pour randonneurs, moyennant un prix toujours modeste.
Attention : veillez, surtout pendant les vacances scolaires, à téléphoner
pour réserver vos places, car il arrive que des groupes entiers squattent un
gîte...
Auberge de jeunesse
Issues des grands mouvements de jeunesse d'avant-guerre, les auberges de
jeunesse offrent pour une cinquantaine de francs un hébergement identique à
celui des gîtes d'étape, avec cependant un nombre de lits toujours supérieur.
Certaines préparent aussi des repas.
Pour dormir dans les auberges de jeunesse, il est demandé au randonneur de
prendre sa carte d'affiliation à la Fédération des Auberges de Jeunesses. Le
prix de cette carte est de 100 F pour une personne ou 250 F pour un groupe.
Toutefois, des accords existent entre la Fédération Française de Randonnée
(FFRP) et les Auberges de Jeunesse. Ainsi, un randonneur qui présente sa carte
de la FFRP avec le timbre de l'année n'a pas à acquitter la cotisation aux
Auberges.
Hôtel
Il y en a pour tous les goûts, de l'auberge de campagne au trois-étoiles. A
vous de choisir selon le degré de confort que vous souhaitez et l'épaisseur de
votre bourse. Souvenez-vous, surtout les jours de pluie, que l'arrivée de
marcheurs ou cyclistes plus ou moins boueux est diversement appréciée par
certains hôteliers, peut-être du fait du sans-gêne de quelques randonneurs. Un
hôtel reste la propriété de celui qui l'exploite, et vous ne feriez rien pour la
promotion de la randonnée en laissant sur la moquette de longues traces de vase,
en transformant votre chambre en buanderie, ou le lit en aire de
pique-nique.
Avantage de l'hôtel : il y est souvent associé un restaurant, où le
randonneur peut se ressourcer devant une bonne table et préparer ainsi ses
muscles à l'étape du lendemain.
Dans cet ouvrage ont été répertoriés les jours de fermeture des hôtels
pendant les mois d'été, qui sont essentiellement les mois où prennent place les
randonnées. Les périodes de fermeture d'hiver sont souvent variables.
Sur ce trajet qui parcourt le coeur de la Bretagne, on trouve souvent des
chambres à des prix modestes, de l'ordre de 100 à 200 F. De plus, certains
hôtels, souhaitant jouer la carte du tourisme de randonnée, proposent
quelquefois des chambres au confort plus spartiate, ou contenant plus de lits, à
des prix intéressants. Demandez à bénéficier de cette possibilité si votre
bourse n'est pas trop gonflée.
Chambre d'hôtes
La plupart sont affiliées à la Fédération des Gîtes de France, et signalées
par un panonceau. La Fédération édite chaque année un guide complet de toutes
les chambres d'hôtes de France et de Navarre. Malheureusement, ce guide pèse 700
grammes, ce qui est bien lourd pour un sac à dos, et voici pourquoi sont
répertoriées ici les chambres riveraines du canal et leurs caractéristiques
(nombre de chambres, prix, services offerts, etc...). Le petit déjeuner est
toujours inclus dans le prix de la chambre agréée "Gîtes de France".
Certains endroits proposent la table d'hôtes, c'est-à-dire le repas du soir,
d'autres offrent un emplacement pour faire sa propre popote, et d'autres enfin
ne prévoient pas ce cas d'espèce. Cet hébergement est la plupart du temps fourni
par des agriculteurs, qui y trouvent un complément de revenus. Il privilégie
l'ambiance familiale, le rapport humain et la découverte du milieu rural. Les
chambres d'hôtes agréées par l'association des Gîtes de France sont classées
selon leur confort de 1 à 3 épis.
Le présent guide donne le prix d'une chambre pour une, deux ou trois
personnes, selon le cas. Mais si vous êtes quatre ou cinq randonneurs, n'hésitez
pas à poser la question, car il est bien rare que le propriétaire ne trouve pas
une solution de dépannage.
Attention : ne confondez pas chambre d'hôtes et gîte rural... Un gîte rural
est loué en général à la semaine, et n'est pas destiné aux randonneurs. Une
chambre d'hôtes est louée à la nuit, et correspond mieux au tourisme
itinérant.
Chambre chez l'habitant
En dehors des Gîtes de France existent d'autres chambres chez l'habitant,
répertoriés par les offices du tourisme, ou bien agréées par des associations
locales, telles les "Demeures Bretonnes", ou bien encore les "Nids-vacances". Il
arrive que le petit déjeuner soit en sus du prix de la chambre. Cette précision
est alors donnée.
Camping
Il existe dans de nombreux villages traversés des campings privés ou
municipaux à des tarifs très raisonnables (compter de 8 à 40 F par personne et
par nuit selon le confort du terrain). Pour simplifier, les prix indiqués
correspondent à deux adultes occupant un emplacement avec leur toile de tente.
Comme le canal est loin des grandes zones touristiques, vous trouverez rarement
de piscines olympiques avec toboggan incorporé, mais l'accueil y sera souvent
chaleureux. Certes une tente est lourde à traîner, que ce soit sur le
porte-bagage d'un vélo ou sur un sac à dos, mais c'est un gage d'indépendance et
de liberté. A vous de choisir...
Bivouac
Appelé également camping sauvage, mais ce vocable rappelle trop l'interdit
fréquent qui frappe le fait de planter sa tente en-dehors des terrains
autorisés. Nous définirons donc le bivouac comme l'action de planter sa guitoune
le soir entre chien et loup pour la démonter le lendemain matin, à l'aurore
naissante, ou bien d'étaler simplement son sac de couchage sur la rosée humide
dans le but affirmé de grelotter le plus possible... Par extension, nous
considérerons comme bivouac le campement d'un nombre indéterminé de personnes.
Monovouac, trivouac et multivouac sont donc assimilés au bivouac.
Sur le canal, vous disposez d'une immense zone de bivouac longue de 360
kilomètres, où nul garde-champêtre n'ira vous chercher de noises. En-dehors de
la surface du chemin de halage, sur lequel aucune personne sensée n'ira
installer sa maison, il existe une multitude de petite niches, de
micro-prairies, faisant partie du domaine public. Par mesure de politesse,
demandez cependant aux éclusiers, dans les sections ouvertes du canal,
l'autorisation de planter votre tente. Celle-ci vous sera rarement refusée, car
peu nombreux sont ceux qui privilégient ce mode de vie. Il est vrai que l'eau du
canal n'est pas chauffée, et que la douche y est donc un acte d'abnégation.
Dans les sections déclassées, les maisons d'éclusiers ont été vendues à des
particuliers, et les terrains attenants sont privés. Il convient donc encore
plus en de tels endroits de demander l'autorisation.
Cependant, si vous goûtez le bivouac en pleine nature, souvenez-vous que
celui-ci sera toléré aussi longtemps que la nature ne sera pas souillée. Il
existe des poubelles à chaque maison d'éclusiers, et une poche de détritus ne
pèse pas lourd... Si par malheur certains laissaient leur aire de bivouac
jonchée de papiers divers, l'autorité ne tarderait pas à sévir, et le manque de
savoir-vivre d'une minorité retomberait sur l'ensemble de la communauté des
randonneurs.
Monastère
Eh oui, les braves moines ou moniales qui prient depuis leurs abbayes en
plein champ pratiquent très souvent l'accueil. Attention, ce ne sont pas des
hôtels... En cas de difficulté, vous y trouverez assistance, mais leur accueil
est d'abord tourné vers ceux qui viennent ici passer quelques jours de retraite
spirituelle. Votre quête de nature et de chants d'oiseaux ne sera peut-être pas
exactement partagée par les autres retraitants.
Souvenez-vous également que la règle du silence y est la plupart du temps
exigée. Alors si vous mourez d'envie de raconter à tous au milieu du repas
vespéral la couleur des écailles du goujon, abstenez-vous de tirer la cloche du
portail du monastère...
Ravitaillement...
La Bretagne intérieure n'est pas le Ténéré, et dispose encore d'un solide
réseau de commerces et de restaurants. Mais ceux-ci ont leurs heures d'ouverture
et leurs jours de fermeture, toutes choses qu'il est bon de savoir si on ne veut
pas perdre trop de kilos sur le bord du canal...
Ce guide vous donne le type de commerce, et les précisions quant aux
horaires. Ne vous fiez pas trop aux enseignes, car on trouve fréquemment
désormais, dans les campagnes, en raison de la désertification, des commerces
mixtes, par exemple une boulangerie-épicerie, ou une épicerie-dépôt de pain, ou
encore un café-charcuterie.
Il existe une kyrielle d'établissements proposant de nourrir le passant,
depuis le restaurant jusqu'à la crêperie, en passant par la pizzeria. Vous
trouverez même quelquefois une ferme-auberge, spécialisée dans les produits du
terroir.
Fréquemment, certains petits bistrots font également un peu de cuisine, ou
proposent quelques plats de restauration rapide, sandwiches, pizzas, omelettes,
etc... La plupart vous chaufferont également un solide petit déjeuner à un prix
très raisonnable. L'immense majorité acceptera avec plaisir votre pique-nique
dans la salle commune à la condition de consommer une boisson.
Lorsque le guide mentionne une bourgade d'une certaine importance, il cite
tous les restaurants, crêperies, pizzerias, ainsi que les bistrots offrant de la
restauration rapide. Par contre pour un village, il donne tous les bistrots où
le randonneur aime à se reposer, même si celui-ci n'offre pas de repas.
Vous trouverez également pour chaque ville ou bourgade traversées les jours
et heures des marchés.
Conseils aux piétons
et cyclistes...
C'était au début de ce siècle...
Ordonnance du Préfet Rault, de Rennes, réglementant la circulation des
vélocipèdes sur le chemin de halage du canal :
La circulation des vélocipèdes est tolérée aux risques et périls des
cyclistes.
Sauf autorisation spéciale, elle est interdite pendant la nuit, entre le
coucher et le lever du soleil (sic...).
Elle doit être réduite à la vitesse d'un homme au pas aux abords des
écluses, des ponts et passerelles, aux tournants brusques, et en général sur
tous les points où la vue du chemin dans le sens du mouvement est masquée par un
obstacle en tout ou partie.
Le vélocipédiste, à la rencontre des chevaux de halage marchant dans le
même sens que lui ou en sens inverse, doit s'effacer, et laisser le champ
libre.
Il doit s'arrêter, mettre pied à terre, et conduire sa machine à la main
toutes les fois qu'il pourra troubler par son passage une opération quelconque
de navigation.
La circulation reste rigoureusement interdite pour les vélocipèdes et
machines analogues munies d'un moteur.
Le chemin de halage est entretenu correctement, voire très bien, d'un bout à
l'autre du trajet.
Normalement, le chemin de halage n'existe que sur une rive du canal, tantôt
la rive droite, tantôt la rive gauche, selon la géographie du terrain. Il existe
quelquefois un chemin de contre-halage sur l'autre rive, mais en général moins
bien entretenu. Il arrive même que ce chemin ne soit fauché que sur quelques
centaines de mètres, pour finir dans un champ de maïs... Dans le doute, prenez
toujours le chemin le mieux entretenu, il vous conduira sans coup férir à la
prochaine écluse.
Si vous vous êtes trompés, et que vous piétiniez lamentablement dans les
herbes hautes et les orties, il vous sera toujours possible de repasser sur
l'autre rive à l'écluse suivante en empruntant les passerelles qui chapeautent
les portes. Sur les plans qui illustrent cet itinéraire, le chemin de halage a
été figuré par de gros pointillés noirs.
Le chemin est interdit à la circulation des automobiles, et barré de chaînes
à chaque carrefour pour dissuader ceux qui ne savent pas lire. Mais ces chaînes
laissent un passage pour le piéton, le vélo ou l'animal. Cependant, dans le
département du Finistère, les barrières ont disparu, et on trouve de ci de là
quelques automobiles en maraude. Rassurez-vous toutefois, car il s'agit le plus
souvent de pêcheurs qui savent rouler à une vélocité respectueuse de votre
tranquillité.
Rappel pour ceux qui confondraient bicyclette et motocyclette : le chemin de
halage est totalement interdit à toute circulation motorisée. Vélosolex,
scooters, et autres motos vertes sont priées d'aller pétarader leurs décibels
ailleurs...
Le Chemin de
halage...
Comme son nom l'indique, le chemin de halage est là pour permettre au
batelier de tirer sa péniche. Il doit donc être profilé pour cette fonction.
Aux premiers temps des canaux, on halait sa péniche en passant en écharpe une
sorte de harnais, appelée bricole, reliée par un cordage au bateau. Bon nombre
des bateliers ont ainsi commencé leur carrière de transporteur. Plus tard,
lorsque l'aisance est venue, ils ont acheté un cheval, un âne ou un mulet pour
haler la péniche.
En beaucoup d'endroits, le chemin de halage est une sorte de digue
artificielle, empierrée et renforcée. Il est fréquemment en légère surélévation
par rapport au niveau naturel des terres, sans doute dans le but d'éviter les
inondations et d'offrir à l'homme et l'animal un terrain stable et solide pour
effectuer leur tâche.
On trouve maintenant de nombreux arbres ou buissons qui ont poussé entre le
canal et le chemin, car les péniches automotrices sont apparues après la
première guerre mondiale, entraînant la disparition des chevaux sur le halage
entre les deux guerres. Mais autrefois, cantonniers ou éclusiers chargés
d'assurer l'entretien des berges fauchaient régulièrement herbes et rejets
ligneux, afin que le cordage reliant l'animal et la péniche ne soit pas gêné par
la végétation.
Ce chemin de halage est aussi une servitude permettant à l'administration
d'effectuer l'entretien du canal. Il a très vite été adopté par les pêcheurs
locaux heureux de trouver là une très longue rivière et de pouvoir s'y livrer à
leur loisir favori sans avoir à pénétrer dans une propriété privée, comme
c'était le cas avant l'existence du canal.
Lorsque deux péniches se croisaient, la péniche montante (celle qui remontait
le courant) devait laisser la priorité à la péniche descendante, qui, poussée
par le courant, maîtrise moins sa vitesse, et n'a aucun moyen de freiner. Les
mariniers veillaient alors à ce que leurs traits de halage ne s'emmêlent pas, et
à ce que leurs chevaux restent calmes. Explication simplifiée : le marinier
montant éloignait sa péniche du halage, et se rapprochait du bord opposé. Son
matelot, qui était à terre et qui guidait le cheval, détachait alors le cordage
de l'animal. Lorsque la péniche descendante était passée, il rattachait le
cordage et le halage reprenait.
Construction de
l'écluse...
Il faut se souvenir que la plus grande partie du canal de Nantes à Brest
utilise le cours de rivières antérieures. Or le lit d'une rivière a pour
particularité d'être constitué, en règle générale, d'alluvions à la consistance
douteuse et à la faible résistance. Le poids d'une écluse avoisinant les 6.000
tonnes, il faut que les ingénieurs conçoivent des fondations extrêmement
solides, qui supporteront le poids de l'ouvrage sans déformation ni fissure
aucune.
Le premier soin des ingénieurs était d'assécher l'emplacement du chantier de
la future écluse. Facile à dire, car on n'empêche pas une rivière de couler...
Il fallait donc, avant de commencer la construction d'une écluse, détourner le
lit de la rivière et poser des batardeaux étanches autour du chantier. Etait
utilisée alors une technique que les Romains connaissaient déjà : On enfonçait
dans le sol, tout autour de la partie à assécher, un barrage de pieux serrés les
uns contre les autres. Puis on élevait un deuxième barrage identique à quelques
décimètres du premier, et on comblait l'intervalle entre les deux barrages avec
de la glaise et des mottes de terre.
Ceci n'empêchait d'ailleurs pas toutes les infiltrations, et il était
nécessaire de pomper sans cesse, à la main, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7,
tout le temps que durait l'élévation de la maçonnerie et la prise du ciment. Il
est arrivé souvent, au long des trente années qu'a duré la construction du
canal, que des crues soudaines emportent tout le travail péniblement
réalisé...
Lorsque le chantier était à peu près asséché, il fallait creuser aussi
profond que possible, afin de trouver un sol stable et dur. Lorsque cette
condition n'était pas remplie, on enfonçait alors dans le sol trop peu
consistant des pieux de bois, appelés "pilots". Certaines essences de bois,
notamment le châtaignier et l'acacia, sont imputrescibles lorsqu'elles demeurent
dans un sol humide (Amsterdam et Venise sont construites de cette façon). Puis
on coulait la fondation, en pierres et ciment. Sur cette fondation était
assemblé le fond de l'écluse, qu'on appelle radier, en blocs de granit taillé.
Ensuite étaient élevés les murs.
L'écluse est limitée par deux murs : le mur qui borde le halage s'appelle le
bajoyer de rive, et le mur qui borde la rivière (quand il y a rivière) s'appelle
le bajoyer de large. Ces murs font plusieurs mètres d'épaisseur. Le parement est
également en blocs de granit taillé, alors que le coeur de la maçonnerie est
réalisé en pierre de tout-venant collées au ciment.
Observez bien l'assemblage des pierres sur toutes les faces de l'ouvrages
d'art : murs, quais, radiers, déversoirs. Vous constaterez que chaque pierre est
encastrée dans ses voisines, par tenons et mortaises, l'ensemble formant voûte
lorsqu'il y a une résistance à opposer à la force de l'eau. Le poids de
certaines pierres est énorme : celle où est ancré le pivot supérieur des portes
dépasse la tonne... Et pourtant, en dépit des moyens de levage primitifs dont on
disposait au siècle dernier, moyens qui n'avaient pas évolué depuis le
Moyen-Âge, le travail a été effectué, et chaque pierre mise en place
scrupuleusement, sans avoir jamais bougé jusqu'à aujourd'hui.
L'ingénieur Jean-Marie De Silguy a fait de nombreuses recherches afin de
déterminer quel était le meilleur ciment à employer. La plus grande partie des
ouvrages étant immergée en permanence, il convenait en effet que le liant ne
soit pas dilué, ni attaqué par l'élément liquide. De la robustesse de ce ciment
dépendait la solidité et la rigidité de toute la construction. Voici la formule
du ciment miracle du canal : on mélangeait 1 mètre cube de sable, 0,20 mètre
cube de cendre de tourbe, et 0,6 mètre cube de chaux éteinte.
Un canal doit être
étanche...
Cette évidence n'est pas chose si évidente que ça... Vous vous imaginez que
les rivières sont étanches, puisqu'elles contiennent et dirigent l'eau de la
source vers l'embouchure. Or il n'en est rien : en réalité, le lit d'une rivière
est une véritable passoire. Cette passoire laisse entrer l'eau, car des sources
ont fait leur chemin dans les sols et viennent se fondre avec le flot principal.
Et cette passoire laisse également sortir l'eau, qui va s'égailler dans les
marécages alentour, se diluer dans les terrains sablonneux, ou bien alimenter
les nappes phréatiques.
Mais lorsqu'on construit un canal, il n'est pas question de laisser le
précieux liquide batifoler dans la nature, au risque de laisser les péniches à
sec, et les mariniers en grand courroux...
Lorsque le canal emprunte le lit d'une rivière, il n'y a pas grand travail à
faire pour conserver l'eau, à part régulariser le cours par des barrages afin
d'assurer toujours un niveau minimum d'étiage.
En contrepartie, lorsqu'on construit une section artificielle, il faut
prendre certaines précautions. La première de toutes est de rendre le fond et
les rives du futur canal totalement étanches. Si ce n'est pas le cas, il suffit
d'une terre de mauvaise qualité, ou encore de quelques ragondins creusant leur
terrier, pour voir toute l'eau partir dans les prairies environnantes. Pour
réaliser cette étanchéité, on va appliquer, sur le fond et sur les côtés de la
voie d'eau, une couche d'argile mélangée à de la paille, épaisse d'une trentaine
de centimètres.
Les digues qui bordent la voie d'eau doivent être extrêmement compactes et
solides, car un trou dans la couche d'argile, provoqué par le choc d'une péniche
ou le terrier d'un animal, peut imprégner la digue et la faire s'écrouler. Vous
vous apercevrez, si vous randonnez lorsque le niveau d'eau est bas, que les
côtés du canal sont souvent renforcés par des perrés de pierres plates
simplement posées les unes sur les autres, perpendiculairement à la paroi.
Aux abords des écluses, cette étanchéité est renforcée, car une infiltration
d'eau sous l'ouvrage irait saper les fondations et provoquerait l'effondrement
des maçonneries à plus ou moins long terme.
Les
crues...
Elles sont la plaie du canal de Nantes à Brest. Il faut se souvenir que la
plus grande partie du trajet du canal emprunte des lits de rivières : Erdre,
Isac, Oust, Blavet, Hyère, Aulne.
Les rivières sont assez courtes en Bretagne, mais la topographie des bassins
versants et des vallées fait que les crues sont souvent violentes. Chacun se
souvient des terribles images de la grande crue de l'hiver 94-95, qui a vu Redon
et Quimper les pieds dans l'eau pendant de longues journées.
Lorsque l'eau monte au-delà du raisonnable, il se produit deux phénomènes qui
engendrent les pires malheurs pour le canal. D'abord un phénomène d'imprégnation
des terres. Une fois gorgées d'eau, les berges, les digues, le chemin de halage
n'ont plus la même résistance, et ne demandent qu'à être emportées.
Le deuxième phénomène qui amplifie l'effet du premier est le courant. La
violence du flot, sa vitesse, s'exercent sur des "tas de terre" artificiels
fragilisés car ils sont désormais sous l'eau. C'est ainsi qu'après chaque crue,
il faut reconstruire des sections entières du halage, reprofiler les digues,
recreuser les rigoles, rapporter des blocs de roches aux barrages, consolider
les ouvrages sapés, et, bien sûr, débarrasser le lit de tous les débris que la
crue y a laissés.
La crue en profite toujours pour achever lâchement de pauvres arbres qui
surplombaient les rives. Lorsqu'ils sont dans le lit du courant, le flot les
lance alors tels des béliers sur les ouvrages. On a ainsi vu au printemps 95 des
crémaillères d'écluses, en acier de huit centimètres, tordues comme de vulgaires
ferrailles, et des passerelles entières, sur l'Aulne, réduites à l'état de
squelettes. Sur le Blavet, c'est même une maison éclusière qui a été détruite
par le flot furieux...
Un autre travail reste à faire après le passage de la crue : c'est le
nettoyage des sas d'écluses. On y retrouve en général des tonnes de sable, qu'il
faut bien sûr enlever avant d'autoriser de nouveau la navigation.
La Grande Tranchée
de Glomel...
A Glomel va être creusé le troisième bief de partage, celui qui sépare les
bassin du Blavet et de l'Aulne. Il s'agit de dégager dans la montagne une
saignée de trois kilomètres dont le point le plus profond sera 23 mètres
en-dessous du sol initial. Pour éviter les effondrements, le profil des pentes
est calculé de telle sorte que la "gueule" du trou, à sa plus grande hauteur,
fait une largeur de 100 mètres. Il faut attaquer à la pelle et à la pioche
1.500.000 mètres cubes, ce qui donne le double à transporter, car une terre
décompactée double de volume. Trois millions de mètres cubes, cela fait un
rectangle de 3 kilomètres sur un kilomètre et une épaisseur d'un mètre de bonne
terre bien grasse et lourde... Par bonheur, les outils ne rencontreront que peu
de roche, car à cet endroit on trouve surtout de l'argile et du schiste
décomposé.
On transporte la terre avec des brouettes d'abord, puis avec des hottes, et
on la répartit en deux grands tas de chaque côté de l'immense tranchée. La
rupture des sources provoque des éboulements dans la masse de terre creusée. En
1828, 15.000 mètres cubes s'écroulent d'un coup, qu'il faut pelleter de
nouveau... Aujourd'hui, la végétation a stabilisé les berges, mais il se
produira des glissements de terrain jusqu'en 1915.
Le chantier de la tranchée de Glomel est si important qu'il est décidé de
faire appel à 600 forçats du bagne de Brest. Ceux-ci sont de pauvres bougres
allergiques à la vie militaire, condamnés aux travaux forcés à perpétuité, que
la promesse d'une grâce encourage à travailler. Certains seront en effet graciés
par le Roi, et renvoyés dans leurs régiments.
On établit pour ces malheureux un camp près du chantier, à la Lande Perran,
dans lequel les condamnés sont à la garde de 50 gendarmes. Par crainte des
incendies, les cabanes des forçats ne possèdent ni chauffage ni éclairage, et
par crainte des évasions, les ouvertures sont réduites à la taille d'un trou de
souris...
Les conditions de vie et d'hygiène sont inimaginables. Il est construit
quatre dortoirs mesurant chacun 20 mètres par 8,5 mètres. Dans ces 170 mètres
carrés, on va entasser 150 hommes, qui dormiront dans des hamacs superposés. Le
travail est si dur que la maladie et la mort auront raison de nombreux bagnards.
Les plus "chanceux" parviendront à s'évader.
Les 54 gendarmes assignés à la garde sont beaucoup plus soignés, puisqu'ils
disposent d'un grand dortoir long de 45 mètres... La vie de château, en quelque
sorte...
Une des maladies endémiques qui frappait le camp est le paludisme, qu'on
soignait déjà en 1820 avec de la quinine. Mais pour être certain que le microbe
était noyé, le "sulfate de quinine" était administré dans un verre
d'eau-de-vie...
Le camp de Glomel sera construit en 1822 et détruit en 1834, suite à une
épidémie de choléra, qui enverra à l'hôpital de Rostrenen 50 gendarmes et 121
condamnés...
Il ne restait plus au départ des bagnards que 140.000 mètres cubes à enlever,
soit le vingtième de la masse initiale. Ce solde de travaux sera terminé par des
entreprises locales.
|